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Pas Intelligent
27 mai 2016

L'amour et la beauté

Si je n'aime une personne que pour sa beauté physique, je n'aime pas cette personne.—Fragile amour que celui qu'emporterait une maladie! La beauté extérieure n'est aimable que par la beauté intérieure qu'elle me laisse entrevoir. Sous l'enveloppe matérielle, mon esprit cherche l'esprit; séduit surtout par le regard, où plus qu'ailleurs la pensée brille et se fait visible, il monte comme dans un rayon de lumière vers l'invisible foyer qui l'attire. Mais, dans l'esprit même, est-ce à la mémoire, est-ce au jugement, est-ce à la pure intelligence que s'attache mon amour? Non, dit Pascal, et il a encore raison. Ces qualités, il est aussi des maladies qui les enlèvent. Votre mobile amour disparaîtra-t-il donc avec elles? n'est-il pas allé plus loin et plus haut se fixer dans quelque centre indestructible où rien ne lui semble plus pouvoir l'atteindre? Ce centre, qui n'est pas la pure intelligence, n'est pas non plus la pure puissance; car cette dernière, par elle-même, peut aussi bien être terrible qu'aimable. Même quand elle s'unit à l'intelligence, quand elle est ordre et harmonie, la puissance semble encore une manifestation extérieure de quelque principe plus intime et plus profond. Quel est donc enfin ce principe dans lequel seul pourrait se reposer l'amour? Platon l'appelle le bien; mais ce n'est pas encore assez dire: pour qu'en aimant le bien en vous, je vous aime, il faut que ce bien puisse vous être attribué et qu'en définitive il soit vous; il faut donc qu'à tort ou à raison il m'apparaisse comme un bien volontaire et conscient, comme un bien qui se veut lui-même, et qui ne se veut pas seulement pour soi, mais pour les autres et pour moi. Ce que j'aime en vous, c'est la volonté consciente du bien, dont le vrai nom est la bonté. Là je place la personne, là je crois deviner l'unité vivante où le bien devient vous-même et où vous-même devenez le bien. Je ne pourrais aimer en vous une liberté indifférente, abstraction faite du bien, une volonté indéterminée ou une pure puissance; je ne pourrais non plus aimer en vous un bien abstrait et neutre, passif et fatal, non voulu par vous, non accepté par vous, un bien qui ne me semblerait pas vous-même. C'est donc réellement la volonté du bien ou le bien voulu qui est pour nous aimable. Mais la volonté du bien, où s'unissent les deux termes dans une vivante unité, qu'est-ce autre chose que l'amour même? Donc, en dernière analyse, ce qui est aimable, c'est ce qui est aimant. Ce que mon amour cherche par-delà l'organisme visible et, dans la conscience même, par-delà la pure puissance, par-delà la pure intelligence, c'est le foyer d'amour où le bien, s'unissant à la volonté, devient bonté. Moi aussi je veux être voulu par cette bonté, pour le bien que je puis avoir en moi-même; je veux être aimé d'elle comme je la veux et comme je l'aime. Je veux qu'elle soit non seulement volonté du bien, mais volonté de mon bien. Dans cet échange de l'amour, je n'aperçois plus, même là où elle pourrait subsister, la fatalité physique, ni la nécessité logique ou mathématique, encore moins une liberté d'indifférence et d'indétermination; l'amour, s'il est réalisé quelque part en sa vérité, doit être ce qu'il y a à la fois de moins indifférent et de plus libre. Aussi la volonté du bien, là où je crois l'apercevoir, m'inspire la plus parfaite certitude, comme si elle était la plus sûre des déterminations; et cependant, c'est ce qui me semble le plus éloigné de la fatalité physique ou logique. Si je suis certain de celui qui m'aime, c'est que je crois sa liberté trop maîtresse de soi pour être détournée par des accidents extérieurs. J'aime, je suis aimé; c'est pour la bonté que j'aime, et c'est pour ma bonté que je suis aimé; dès lors, emporté dans un monde idéal, je ne songe plus ni à la matière, ni à l'espace, ni à la mort, et je me repose avec bonheur dans l'éternité de l'amour.

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  • Pas intelligent, c'est le blog qui me revient, sur la politique, les média et la société en générale. C'est mon cri de révolte sur la société, et je l'avoue aussi, le lieu de mes expériences, voyages et activités, rencontres, qui me rendent stupide.
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